In her own words...


"Dorothea, ses jeux, son enfer... (Dorothea, Her Lights and Shadows)"

1976


Galesburg, où rien ne se passe, sauf le papier peint.

Un jour de grand vent. Un véritable ouragan a abattu un des trois grands peupliers, devant a maison. Ma mère a eu très peur. Donc, je suis née. Voici les périls ainsi créés:

1. Le péril des anges et des génies.
2. Le péril des cruautés flexibles.
3. Le péril de la racine carrée.
4. Le péril de rejoindre les immortels.
5. Le péril du calme, les heures sépulcrales du jour.
6. Le péril de la mer par terre.
7. Le péril du blanc.

Faut-il dire toute la vérité? Nous voici à Galesburg, Illinois, ma ville natale. Ceci est le bureau de mon père, venu de Suède: Andreas Peter Jorge Thaning est arrivé en Amérique à 7 ans. Il n'est jamais reparti. Il y a des lettres étalées sur son bureau, et dans les casiers d'autres lettres encore. Nous ne devons pâs y toucher: ce sont des letters de famille. Nous ne devons rien toucher sur ce bureau. Ainsi, nous ne saurons jamais rien de son passé. Maman dit qu'il a laissé une grande famille avec une belle maison, des écuries, des terres. Pourquoi m'en préoccuper? Il sait si bien dessiner un cheval qu'on dirait que la bête va parler. Et voici la pure vérité au sujet de mon père: il était fou des chevaux. Regardons-le dans le vestibule de cette belle maison, à Skone, en Suède, sa valise près de lui. Il attend de dire au revoir à son père. (N'avait-il pas déjà perdu sa mère à l'époque?) Mais son père ne descend pas. C'est la rupture. Et Andreas le renégat s'en va, pour ne jamais revenir.
Dans ses beaux yeux bleus, le reflet d'une vision: le Far West.

Le bureau chargé de lettres est à Galesburg. Comment mon père a-t-il pu échouer dans ce bled perdu, comment a-t-il pu le préférer à la belle maison de Skone? Il ne reste rien du Far West et des chevaux qu'il avait rêvé de dresser. Rien d'autre que ce don merveilleux de dessiner un cheval, un cheval sauvage, fier et noble, un cheval parfait, sur le moindre bout de papier qui lui tombait sous la main. Oh! mon père farouche, âgé de 17 ans, tes cheveux ne sont pas très longs sur la photo, mais rien n'a changé. Tu es comme eux aujourd'hui, tu es un voyou. Un voyou plein d'impulsions et de rêves qui peut devenir violent ; par conséquent un luthérien….

 
(Galesburg, where nothing happens but the wallpaper.
A day of high wind. A regular hurricane that blew down one of the three poplars in front of our house. My mother was terrified. So I was born. The following perils were thus created:

1. The peril of angels and geniuses
2. The peril of flexible cruelties
3. The peril of the square root
4. The peril of joining the immortals
5. The peril of calm, the sepulchral hours of the day
6. The peril of the sea on the floor
7. The peril of white

Should everything be told, the whole truth? This is Galesburg, Illinois, my birthplace. This is my father's desk, my father from Sweden: Andreas Peter Georg Thaning was seventeen years old when he came to America. He never left. There are letters spread around on his desk and more letters in the pigeon-holes. We must not touch them, they are family letters. We must not touch anything on this desk. So we will never know much about his past. Mother says that he left a great family back there, with a beautiful house, stables, lands. Why should I care? For he can draw a horse so well you'd think it was ready to talk (Mother's words). And here is the pure truth about my father: he was horse-crazy. We see him there in the vestibule of that beautiful house in Skone, Sweden, his suitcase beside him. He is waiting to say goodbye to his father. (Had he not already lost his mother at the time?) But his father does not come down. Barricaded behind his pince-nez and his pretentions (there is a photograph of the old codger actually wearing a monocle, can you imagine?) he repudiates the boy. And Andreas the renegade goes his way, never to return. In his blue eyes the reflexion of a vision: the Far West.

But the desk full of letters is in Illinois. How did my father wind up in this Godforsaken town, how could he prefer it to the beautiful house in Skone? Here is no sign of the far west nor of the horses he had dreamed of taming. Nothing but his marvelous way of drawing a horse, a wild horse with defiant eye, drawn on any old scrap of paper that came to hand....)

 

Back

About this work


“Dorothea, ses jeux, son enfer..." was first published in Dorothea Tanning, a special edition of  XXe Siècle, Paris: Editions XXe Siècle, 1977, pp. 5-15.  A translation, "Dorothea Her Lights and Shadows (a scenario)," was published in 1979 in the exhibition catalogue, Dorothea Tanning: 10 Recent Paintings and a Biography, New York: Gimpel-Weitzenhoffer Gallery.