In her own words...


Oiseaux en péril (Birds in Peril)

1975


Je suis un être oisif. La vue hideuse de mes voisins, cloués par terre par manque d'originalité, me répugne. Les couleurs sarcastiques de ma robe leur posent un torrent d'avertissements. En vain. D'inadvertance en inadvertance, ils se trompent, et sur ma musique et sur leurs banquests chimiques. Je suis la devise du désir, si le désir correspond aux effets du magnétisme diluvien mêlé au soufre. Mais que faire en exil? Dis-moi, sublime femelle. Tu es arrivée la tête renversée, la huppe frémissante, l'oeil d'ambre suspendu. Tu a connu une traversée sans faille, sans merci.

Tu as roulé parmi les astres, culbutée par une poussée de fièvre géométrique. En trois ellipses, trois triangles isocèles et trois hyperboles radieuses tu as attrapé la flèche de Zénon, immobile. Je t'ouvre l'auberge de mon aile pure.

(Un petit silence.)

Adieu, terre éteinte. Adieu, terre usée. On te laisse avec tes mites et tes drôles de murs.

I'm a high flyer. The hideous sight of my neighbors glued to the ground by their lack of originality repels me. My robe's sarcastic colors are a ceaseless warning. But a vain one. From inadvertence to inadvertence they mistake everything, from my music to their chemical menus. But I, I am the emblem of desire, if desire means the effects of diluvian magnetism mixed with sulphur. What is exile? Tell me, sublime female. You came, your head thrown back, your feathers shimmering, your amber eye suspended.

You saw the warnings but you rolled away among the stars, tumbled by gusts of geometric fever. In three eclipses, three isosceles triangles and three radiant exaggerations you caught Zeno's arrow. I offer you the haven of my pure wing.

(A short silence.)

Adieu, darkened earth. Adieu, worn earth. We leave you to your moths and your crazy walls.
 



La carte du monde tourne en dérision. Précaire hiver. Sombre été.

As-tu vu danser mon enfant dans les champs magnétiques? Il a de si petits pieds, un si rouge plastron, des yeux si jaunes. Il pique, sa trajectoire incline à 45 degrés. Décidément, il sait retenir son soufle et le maintenir à l'axe de la descente. Il effraie l'éther.

Et il rit de la tempête.

A le voir tourner la tête! L'incroyable précision! Une longitude a superposé des lambeaux d'oubli sur son avenir. Depuis, il vogue. Il dort à l'envers. Rien ne l'étonne.

Ou suis-je? Dois-je singer un équilibre?

Danse d'oiseau, enfer d'oiseau.

Mais, mon enfant, regarde bien! Ta mémoire volée s'est mise à danser, comme avant. Et de plus en plus vite...

(Se munir d'un trou de serrure, seul moyen de le surprendre.)

The world map holds us up to ridicule. Our precarious winters, somber summers.

Have you seen my boy in the magnetic fields? He has such tiny feet, such a red plastron, such yellow eyes. He dives, his trajectory leans 45 degrees. Decidedly, he knows how to hold his breath and to keep it in the axis of the descent. He terrorizes the ether.

And he laughs at storms with teeth.

Just to see him turn his head! The incredible precision! A brown cloud once layered rags of forgetfulness on his future. Since then he zigzags, sleeps upside down. Nothing reaches him.

Where am I? Should I pretend to an equilibrium?

Birdance, birdeath...

But, my child, be careful. Your stolen song is dancing as before. Faster and faster...

(You’ll need a keyhole, the only way to surprise him.)
 



Au printemps il se pare d'une notion nuptiale importée d'Égypte. Le long voyage—traversée du Sahara avec bains de sable, de la Méditerranée avec escale sentimentale à Salonique—du tourment des airs et des abîmes, tout ça a éprouvé ses poumons miniscules et élégants.

Son œil énorme contient l'anneau terrestre. Il rêve de l'univers, d'une envolée autre. Il étudie la perfection. Il se remet.

Chaste et véhément, son chant, répété en plein vol, désespère les enfants. Le cœur gonflé, il écoute la réponse: les pas du Désastre feutré.

Ignobles, les orteils au nombre de cinq! Comme ils crissent et craquent dans le bocage! Ils sont terriblement pointus. Et pointues leurs ombres. en l'espace d'un jour, combien de gris résille? En l'espace d'un jour quels piétinements de feuilles mort-vivantes!

Désordre oui. Chaos non. Il plie ses ailes, ferme ses yeux et tisse son nid dans un nuage. Et la douce élue vient y pondre son œuf parfait.

In spring he dresses in a nuptial mode imported from Egypt. The long voyage—crossing the Sahara with its sand baths, the Mediterranean with a sentimental stopover at Salonika—all the torment of heights and depths, all that has been hard on his tiny elegant lungs.

His enormous eye contains the terrestrial ring. He dreams of the universe, of a different flight. He ponders perfection. He gets well.

Chaste and vehement, his song, repeated in full flight, frightens the children. His heart swollen, he hears an answer: the velvet step of Disaster.

Ignoble, five toes! How they rasp and crunch in the underbrush! They are terribly pointed. And pointed their shadows. In the space of a day how much trapping? In the space of a day what trampling of leaves, living dead leaves!

Disorder yes. Chaos no. He folds his wings, closes his eyes and weaves his nest in a cloud. There the gentle bride comes to lay her perfect egg.
 



Si le chant et la parade ne suffisent pas. Si sa démarche juvénile épouvante. Si le mot oiseau a trois doigts. Si ses messages d'urgence sont captés par des herbes séches. Si, spécimen de haute volée, il échappe aux plombs pour succomber à une fléche charnelle. Alors, c'est du côté de la tireuse de cartes qu'il niche.

Tous deux vautrés sur leurs coussins brodés de brume. Tous deux enlacés, leur hamac de perles tendu entre luxure et folie. Tous deux accrochés aux âges.

Tous deux
que dire que dire que dire. Beige pâle et noir camouflé, s'étirant lentement dans le silence flottant, faisanat de leur salive des encrages invisibles.

Pensifs, ils déchirent les cartes de la tireuse, et les poussent dans le matelas. Cinquante-deux cartes y compris le tricheur qui fait pâlir.

Que dire que dire que dire que dire.

If the singing and parading aren't enough. If his juvenile behavior appalls. If the word bird has three toes. If its urgent messages are heard by the driest of grasses. If, high flyer, he escapes the bullets only to succumb to the fleshly arrow. Then you will find him at the fortuneteller's place.

Both of them, lolling on their fog embroidered cushions. Both of them, entwined, their pearl hammock swung between flame and frenzy. Both of them clinging to the ages.

Both of them, what to say, what to say, what to say. Pale beige and black, their camouflaged crescent swinging slowly as they make invisible ink from their saliva.

Pensive, they tear up the fortuneteller's cards and stuff them in the mattress. Fifty-two cards including the joker.

What to say what to say what to say
.

Look! they've fallen in a perfect vertical line and lie in a pool of dreams.
 



Devant mon aile droite couve le morne militaire. Son ombre fait tomber des grêlons voués aux jeux sinistres, explosions de neige bleu-cobalt. Jardins de ferraille, insectes de rouille, immenses.

Donne-moi la cloche et l'heure. On tiendra bon. On jouera de la flûte—extinction de voix—avec enchaînements en sous-bois. Chévres parties. Loups moroses. Pourquoi personne ne veut manger?

Pourtant, le matin gobe la rosée, jetée par terre en saccades comme des cailloux. Le matin n'est pas fier.

Connais-tu l'orgueil canonique?

Comprends-tu la machine mystiphique?

Garçon, tombe ta veste verte, découvre ton ardente poitrine couverte de plumes blondes! O garçon aux tempes rêveuses, je suis ta mémoire!

(Avançant dans l'herbe, il place ses mots futiles.)

Automne de boue! Automne saccagé! C'est pour qui le prochain automne?

Before my right wing broods the dismal army. It's shadow provokes a rain of hailstones laden with sinister games and rains of cobalt blue snow. Gardens of scrap iron, rusty insects, immense.

Give me the clock and the hour. I'll hang in there. I'll play the flute (lost my voice) with enchaining notes under the base. Departed sheep. Morose wolves. Why doesn't anyone want to eat?

And yet, morning swallows the dew, thrown on the ground in spills like pebbles. Morning will swallow anything.

Do you know Ragged Pride?

Do you care to militate?

Boy, take off that khaki shirt, reveal your ardent breast covered with amber feathers. O gentle boy of dreaming brow, I am your memory.

(Advancing in the weeds, he places his futile words)

Curdled autumn! Violated autumn! Who is next autumn for?
 



Mon fiancé est une idée saugrenue. C'est une apparence. Derriére mon fiancé, il y a des barreaux. Il touche les barreaux avec ses longs pieds vernis, et la musique en tessons fait surgir l'essence de mon fiancé, tout bariolé comme il est.

Les barreaux strient nos naïves conceptions en coups de serpe. Jours absurdes. Soirées précipitées. Il n'y a pas de saisons. Il n'y a pas d'apparence.

Mon cri s'est évadé. Faufilé entre les toits noyés de brume ocre, toits mutins, toits gris. Mon cri effleure l'alarme. Une écolière le signale (fauve, collerette défraîchie, huppette hagarde...) Attroupement. Coups de feu. Ces toits voilés de brumes rouges reculent aux flambeaux et s'écroulent.

Aux marécages!

Je n'ai pas peur de mon cri. Ni du gouffre qui flambe. Ma cage n'a plus de toit. Ses miroirs luisent et crépitent. Feux follets aveugles. Miroirs mirifiques.

O ma liberté que tu es multiple! Comment choisir?

My fiancé is a concept. An appearance. Behind my fiancé are cagebars. He touches the bars with his long varnished feet and music issues in shards, bringing out the essence of my fiancé, all striped as he is.

The bars rap out our naive conceptions like whiplashes. Absurd days without evenings. There are no seasons. Not even holy ones.

My cry has escaped. Slipped between the roofs and drowned in ochre haze. Mutinous gray roofs. His wing grazes a clever alarm. School girls report him (savage, torn collar, haggard beak). Crowds. Gunshots. The roofs retreat in flames and debris.

To the barracages!

I'm not afraid of my cry. Nor of flaming school-girls. My cage is roofless, it's mirrors gleam and crackle. Blind bars, leaden mirrors.
O choice, how multiple you are!
 



Tous les couloirs du soir lilas Toutes les plumes noir-d'ivoire Amasseés...

Il va, humant le vent coupé de péril, plein le bec de mensonges. son cri étranglé de rauque courtoisie débarrasse le silence encombré d'échos.

Couloir du ciel abandonné

Hantise...

Il y va, á tort ou á raison, halluciné. Il va ainsi vers l'odeur bleu de fer, en chantant au plus fort. Odeur de chévrefeuille mal tourné, enivrant. On trébuche. Soubresautsurprise! La branche tend un doigt, tiens!

Ça sent, le soir...tout y est.

Il va, suivi d'échos vengeurs. Il cache son itinéraire dans l'insouciance. Il scinde les échos, repére le nid de l'araignée qui quitte souvent ses oeufs pour prendre l'air, boulevard du crépuscule. Il l'attend, la tête penchée légerèment vers la gauche, comme penche la fleur ivre d'abeilles.

O désespoir, rien n'y est...

All the corridors of evening lilac
All the feathers of ivory black
Gathered....

He flies, sniffing the wicked wind, he is fed up with windy lies. His shrill, strangled and raucous, blows away its echo.

Corridor of abandoned sky,
Haunted....

He flies on, right or wrong, hallucinated. Thus he comes, singing, straight into the iron-blue cloud. Odor of honeysuckle gone sour... He stumbles. Gasps. Ah! Caught by a branch, there!
Evening waits... all is ready

He flies, followed by vengeful echoes, gaining on him. He hides his jaunty itinerary and slices at the wind. He dips to the spider's nest, empty. (She often leaves her eggs, to take the air on the balcony). He bows his head a little to the left, as the flower bows, drunk with bees.

Fallen....
 



Nous sommes la somme de nos envergures.
L'air s'emplit de nos airs
Nos paraboles déplacent le ciel
Nos stridences fendent le ciel
Le ciel mordu de vipères.
Ciel bleu de plomb noir
Echo du ciel démence du ciel
Le ciel en paraphrase cruelle
Le ciel est abattu
Ailes du ciel virevoltantes
Avant de se plisser
Vertige vertige vertige vertige
Voici la bête noire du ciel
Traîne sa queue de fumée
Le ciel fumant le ciel en décombres
Un ciel de cendres.
Vertige vertige, ô balançons!
Vite le ciel, écarte-toi
Sirene de ciel avienne trop belle

Le nid éclate avant l'aurore.

We are the sum of our wings
The air fills with our airs
Our parabolas drape the sky
Our stridencies cleave the sky
The viper bitten sky

Red sky demented sky
Echo of sky daze of sky
Sky in cruel paraphrase
Vertigo repeat four times

See the sky's black bear
Drag his tail of smoke
Smoking sky the broken sky
A sky of ashes fallen

Asleep to wake in ruins
In rust as in old hope
Gone snakeskin dry come dawn
We're wild to drain the air
Wild to try our wings


 

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About this work


Oiseaux en péril, with prose by the artist accompanying eight color etchings by Max Ernst, was published by Éditions Georges Visat, Paris, in 1975.  Dorothea Tanning translated the text into English in 1993.